C'est l'été. Il fait chaud. Je me fais chier. Constat effrayant auquel je suis arrivé hier matin en me levant. Je l'ai senti lorsqu'une affreuse migraine pointait le bout de son nez,ce qui arrivait généralement lorsqu'une furieuse banalité s’emparait de ma vie.
Depuis que je suis né, ou du moins d'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours su qu'une parfaite petite vie tranquille n'était pas faite pour moi. Chose bien sûr, que mes parents ont toujours eu du mal à supporter. Même si leur attention à mon égard ne s'est jamais limité qu'à quelques regards désapprobateurs et deux trois mots lorsqu'ils étaient de bonne humeur. De plus, toujours du plus profond de mes souvenirs j'ai toujours su que ma place n'était pas à leurs côtés. C'était mieux ainsi. Pour nous tous d'ailleurs.  Ainsi mes plus jeunes années ne n'ont jamais été qu'une cage dorée dans laquelle j'ai étouffé. J'ai toujours voulu croire que l'absence d'amour maternel et paternel ne m'a pas réellement affecté, mais je sais bien que cela n'est pas possible. Bien que je n'ai jamais réellement identifié comment cela se manifestait en moi, j'ai senti que les autres oui. L'idée qu'on puisse lire en moi comme dans un livre ouvert m'a toujours été insupportable et je n'ai jamais laissé personne en avoir l'occasion. Le cercle de mes fréquentations à toujours été très restreint et se renouvelle régulièrement. Des amis ? des amours ? J'en ai eu des centaines, mais en réalité aucun. C'est interdit.

C'est également hier matin que j'ai pris ma décision. Lorsque dans ma tasse de café, j'ai eu cette vision exaltante qui a su me sortir de ma morosité. Si certains savent lire dans les feuilles de thé, il m'a semblé un instant être capable d'entrevoir l'avenir dans ma tasse de café, du moins je l'espérais fortement. Mon reflet sur le liquide encore chaud affichait alors un sourire que je ne connaissais que trop bien. Je savais comment me sortir de cette spirale infernale que devenait ma sombre et ennuyante existence. Je me suis emparé de mon téléphone et j'ai tapé. "Rejoins moi aux abords de Phoenix demain matin. Cap ou pas cap ?". Un sourire narquois n'étais que trop visible entre ces mots et un ton railleur bien trop bruyant. Encore une fois, j'ai souris. Je lui avais également envoyé l'itinéraire exact pas sms.

Alors je suis là, en plein milieu du désert de l'Arizona. Assis au bord de la route, le soleil flamboyant tape violemment le haut de mon crâne tandis qu'une douce cigarette tien en équilibre sur le bout de mes lèvres. Phoenix s'étend à quelques kilomètres sur ma droite, sur ma gauche cependant une large route traversait le désert en direction d'Oro Valley. Seul, mais pas désespéré. Je savais qu'elle viendrait, elle ne me décevrait pas. J'étais le promesse d'une journée qu'elle n'oublierait pas.
 

« Rejoins moi aux abords de Phoenix demain matin. Cap ou pas cap » Tu peux le sentir. Ce sourire malsain qui déforme le visage de Galaad à l’instant précis où il t’envoie ce texto. Tu ne le connais que trop bien. Cet air de défi. Ce petit air narquois qui te fait sortir de tes gonds. Quand tu reçois ses textos, tu te trouves à chaque fois projetée à des kilomètres de ta zone de confort et ça te fait flipper. T’as peur vraiment. Peur de tes réactions. Peur de l’adrénaline que pourrait te provoquer l’interdit, le défi. T’as peur d’aimer ça. Tu sais que t’aimerais ça. C’est vrai, l’inconnu t’attire irrémédiablement mais tu sais que tu saurais pas gérer. T’as pas su gérer les fois où t’as tenté. Tu y as pris un putain de goût et tout de suite après t’es tombée de quinze étages. Littéralement. Pourtant c’est si bon de sentir que tu perds pieds. De croire que pendant une demi-seconde tu sais voler. De courir jusqu’à perdre haleine. De Sauter dans le vide. D’embrasser un parfait inconnu. D’embrasser une connaissance et ne pas forcément faire de plans sur la comète ensuite. Vivre l’instant présent, sans se soucier de ce que peuvent bien penser les autres. Vivre pour toi et seulement pour toi. Mais t’as pas le cran Joy. Après ton accident t’es devenue méfiante. T’as pas cessé de croire que la vie t’en voulait et que t’allais certainement pas la défier pour finir encore plus bas que tu ne l’étais déjà. Tu t’es fondé un cocon bien douillé où t’as mis en place ta petite routine. La danse est la seule folie que t’osais te permettre de peur de rompre ton équilibre. Puis t’as rencontré Galaad. Galaad, c’est ton opposé. Il est ce que tu aimerais être un peu plus. Il te tape sur les nerfs mais te stimule comme jamais depuis ton accident. Tu sais pertinemment que tu iras où il te dira d’aller et c’est ce qui te fait froid dans le dos. Tu ne veux pas côtoyer le danger mais c’est pourtant ce que tu vas faire. Pas besoin de lui répondre, il sait pertinemment que plus tu lutteras et plus tu auras envie de venir, donc tu viendras. Il te connaît.
Les clés sur le contact, tu tapotes tes doigts sur le volant. Tu respires un grand coup avant de mettre le contact. Cette journée est chaude et le soleil tape bien plus que tu ne l’imaginais. Tu déposes tes lunettes de soleil sur le bout de ton nez avant de prendre la route. Tu n’en reviens pas qu’un simple texto te mette dans cet état. Tu roules aveuglement jusqu’au lieu de rendez-vous. Il est là. Tu pousses un léger soupire avant de descendre de ta voiture. Tu prends ton air le plus détaché possible et te dirige vers le jeune homme. « Cap. » lui dis-tu de l’air le plus sûr que tu pouvais lui offrir. Tu t’approches de lui et lui déposes un baiser sur la joue. « Tu t’ennuyais aujourd’hui ? » lui lances-tu en souriant. C'était toujours dans ces moments que monsieur s'intéressait à toi.