Les journées sont chaudes en cet été. Je souhaitais profiter de ma journée de congé pour souffler un peu. J’aurais aimé me balader en ville armée de ma bicyclette, rencontrer des personnes, manger une glace. Faire ce que je souhaitais. Juste une fois. Profiter sans me soucier de mes nouvelles responsabilités. J’avais un mariage à préparer. Mon mariage. Celui que je ne souhaitais pas. Celui qui m’angoissait, celui qui noierait mon destin. Celui qui allait ruiner ma vie. Mais ma vie c’était ça. Des choses dictées par mon père qui ne tenait pas compte de mes protestations. J’avais heureusement pu choisir les études à entreprendre et devenir médecin. Ma bouffée d’oxygène. Je me dirigeais alors vers l’église d’Oro Valley, résignée à l’idée que ma vie changerait un jour. Je suis assez fataliste,  mais je ne sais comment changer les choses. L’église de mon père trône fièrement et humblement dans le quartier culturel. Si les gens savaient… Des pêcheurs entrent et ressortent de cette église peu fréquentée en cette matinée. Lorsque j’entre, le froid des lieux fait hérisser ma peau directement. J’avance dans la nef silencieuse. Je suis seule avec mes démons. L’Eglise n’a pas changé depuis que je la fréquente. Toujours les mêmes bancs, les mêmes peintures, le même Dieu. Balivernes. Je m’installe sur un banc et j’attends. Je prends une bible posée là et je m’attelle à mon devoir : trouver des putains de versets pour la cérémonie du mariage. Je glisserais bien des textes à propos de l’apocalypse mais mon père a autant de sens de l’humour qu’une écrevisse.

Je tourne les pages sans lire. De toute façon, la Bible, je la connais par cœur. Je n’ai pas le cœur à chercher et je pense que le mieux sera de piocher au hasard. J’ai pas envie de faire ça, j’ai pas envie. J’ai envie de hurler. Hurler et balancer tous ces livres bibliques à travers cette putain d’Eglise. J’ai envie de brûler cet endroit qui n’est autre que le vestibule de l’enfer. Le brûler, le réduire en cendre, le voir disparaître de mes yeux à jamais. J’ai juste besoin d’un peu de répit. S’il vous plait. Inconsciemment je pose mes bras sur le dos du banc devant moi et y enfouis ma tête. Je prie. Pour la première fois depuis longtemps j’adresse des prières à qui le veut. Je ne m’adresse pas à Lui mais à ceux qui entendront mes propos plaintifs. Et je pleure. Mes larmes coulent presque paisiblement alors que mon état d’esprit n’est que tourmente.

Au loin j’entends des pas, je sursaute prenant conscience que je ne suis plus seule. Je me mords la lèvre, si c’est mon père, je vais passer un sale quart d’heure. Je ravale mes larmes en me mordant les lèvres. Faites que ça ne soit pas lui.