Tu fais de ton mieux pour contrôler tes gestes, mais malgré toutes tes précautions, le verre que tu déposes sur la table rencontre avec un peu trop de vigueur la surface boisée. Un petit bruit sec qui te fait serrer les dents et baisser plus encore les yeux. Tu devines le petit sourire satisfait qui étire les lèvres de ton client sans même avoir à le regarder. Lui en revanche ne te quitte pas des yeux. Il suit chacun de tes mouvements du regard conscient qu'il te met mal à l'aise. Chez n'importe quel autre homme, ce type de comportement ne te mettrais jamais dans un état pareil, tu l'ignorerais sans problème et vaquerais à tes occupations. Seulement les choses sont différentes avec Mason. C'est l'ex de ta mère. L'un des nombreux incapables alcooliques qui ont partagé la couche de Simone. Le seul pourtant qui te fasse couler des sueurs froides le long de la colonne vertébrale. Chaque fois qu'il se trouve là, près de toi, le souvenir de ses mains baladeuses sur ton corps adolescent glace ton sang dans tes veines, ta gorge te brule là où ses doigts puissants se sont refermés plus d'une fois pour te mettre en garde, te mettre au défit de dire quoi que ce soit. Qu'est ce que t'irait raconter de toute façon? A qui? Il t'a jamais violée, pas physiquement. Mais chaque fois qu'il te regarde, c'est de ton esprit qu'il abuse, c'est ta fierté qu'il détruit.

Comme  à chaque fois qu'il se pointe au bar, tu transpires la peur à des kilomètres. T'es persuadée qu'il peut la sentir et que quelque part, ça l'excite follement de voir ton corps tout entier se tendre quand tu viens prendre sa commande. Ses yeux te déshabillent et t'aimerais disparaitre. Aujourd'hui ne fait pas exception. Tu regardes ailleurs mais tout tes sens sont en éveil. Tu guettes le moindre de ses gestes au cas où ses mains se perdraient encore sur l'arrière de ta cuisse que ton short en jean laisse apparaitre. T'es prête à pallier à toutes les situations, et pourtant, il parvient encore à te surprendre, le salopard. "J'avais dis sans olives mon putain de martini Astrea, tu le fais exprès ou quoi? T'aimes ça que je m'énerve?" Tu jettes un oeil au verre au fond duquel, comme pour te narguer, l'olive en question se balance. L'effrontée... Tu lèves les yeux au ciel et pousse un soupir quand ton regard las se pose sur Mason. "Sérieusement...?" Il te défie du regard, hausse les sourcils. Il s'attend à ce que tu ramène le verre au bar et lui en serve un autre. C'est ce que tu devrais faire, tu le sais, mais t'en as marre de dire amen aux exigences d'un connard alcoolique. Celles de Mason en particulier. Alors sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences de ton geste, tu plonges deux doigts dans son verre et en extirpe l'olive que tu glisses entre tes lèvres pleines sans le quitter des yeux. "Satisfait?".

T'as pas besoin qu'il ouvre la bouche pour savoir qu'il ne l'est pas. Tu vois la colère dans ses yeux, le tonnerre qui y gronde dans un bruit familier, celui du verre brisé. "Tu te fous de ma gueule petite conne?" Il se lève pour te hurler dessus au moment même où il frappe dans le verre. Tu sens l'alcool qui asperge tes mollets dénudés quand il explose au sol et tu fermes les yeux, persuadée qu'il va te gifler. T'attends les paupières plissées avec force, prête à encaisser, mais il tarde à venir. A la place, t'entend une voix masculine et le bruit d'une chute. Celle d'un corps lourd qui heurte le sol avec fracas. Quand t'ouvres à nouveau les yeux, Mason se relève avec difficulté et te glisses quelques mots menaçants avant de prendre la porte. Tu sais que tu perds rien pour attendre. Tu regrettes de t'être laissée prendre à son petit jeu malsain. Tu le paieras tôt ou tard mais pour le moment, t'es en sécurité. "Euh...Oui... Oui, merci..." T'adresse un sourire léger mais reconnaissant à l'inconnu qui t'as débarrassé de Mason. "Merci d'être intervenu..."