tes tics, tes manies. i. oro valley, il connaît comme sa poche. ou encore mieux, il connaît comme le trou de sa poche. il y est depuis qu'il est gosse et déjà gamin, il se baladait dans les rues. souvent pour suivre les deux plus grands de la famille, parfois juste pour jouer à l'aventurier. zach, il aurait aimé devenir indiana jones, ou bien le capitaine kirk. chaque quartier, chaque rue, devenait, pour lui, un nouveau pays ou une nouvelle planète qu'il explorait. il pouvait passer sa journée à ça, zachary. faire croire qu'il explorait de nouveaux mondes. ii. il a toujours eu l'impression de vivre dans l'ombre. c'est que, contrairement à rafe, il voulait pas devenir pompier. le feu, ça l'effraie. le feu, c'est pas cool. et même si maman et papa lui ont toujours dit qu'ils les aimeraient tous de façon égale, peu importe ce qu'ils font dans la vie, zach, il a toujours su que papa préférait rafe parce qu'il serait pompier. papa, il était fier de rafe. alors que zach, lui, il avait encore un peu la tête dans les étoiles, à se dire qu'il saurait quand il saurait. et il a eu raison, puisqu'il a su, un jour après avoir fait un tour à l'hôpital. il s'est dit qu'il deviendrait chirurgien. l'anatomie, ça a toujours été un peu son truc et placer les organes internes, c'est un peu comme situer les étoiles dans le ciel, dans la nuit. alors il sera chirurgien. et papa, il avait été fier de l'apprendre. alors zach, il avait été fier aussi. iii. ambitieux, le petit zach, il l'a longtemps été. les étoiles plein les yeux, il s'est toujours imaginé un avenir radieux. il avait tout pour réussir. le sérieux en cours, les capacités intellectuelles, la soif de savoir pour ce métier si fascinant. et un petit peu le côté morbide pour avoir envie de plonger les mains dans des corps vivants. tout le monde l'appelait le futur chirurgien ; on lui donnait du monsieur le chirurgien. il rejoignait le clan des génies formés par ses deux aînés. la grande avocat, le pompier prodige et le futur célèbre chirurgien. la descente a fait mal. elle a été destructrice. et zachary, il est obligé de constater qu'il n'arrive pas à remonter. iv. s'il devrait choisir un prénom, ce serait celui d'amalya. si on lui demandait pourquoi, il dirait que c'est parce qu'elle est la seule. la première sur laquelle il ait réellement posé les yeux, la première qu'il ait voulu approché avec la peur au ventre de ne pas être suffisamment bien. il sait qu'il ne l'a jamais été, suffisamment bien, mais pendant un temps, il était tout de même pas mal. high school sweetheart, on leur imaginait une amourette de passage, jusqu'à ce que les chemins bifurquent. que les goûts changent.  mais ils ont tenu bon. main dans la main et le sourire aux lèvres. elle est celle qui le remotivait quand il craignait de ne pas survivre à l'école de médecine ; celle qui fait de lui un sujet de photographie presque beau. il ne se voit pas avec une autre, ne se voit plus sans elle. le monde, il pourrait le rebâtir, pour elle. il voudrait lui offrir tout ce qu'elle demande sans même qu'elle ait besoin de le formuler. il voudrait lui construire une maison, celle de ses rêves ; lui offrir les enfants merveilleux qu'elle mérite. faire d'elle une reine, son titre amplement méritée. et, avant, il aurait pu. v. et puis, envolés les projets. adieu l'avenir. tout s'effondre il y a quatre ans. le prestige d'un nom de famille, les portes des hôpitaux. il aura suffit d'un pas grand chose pour mettre un terme à une vie idyllique. zachary, il a voulu faire abstraction de tout, les premiers temps. il a refusé de prendre parti. il préférait ne pas savoir la vérité, lui. est-ce que son frère tant jalousé était réellement capable d'allumer un feu pour jouer les héros ? est-ce qu'il voudrait tuer des âmes innocentes pour monter les échelons ? zach, il préfère encore que la question reste sans réponse. papa a tourné le dos le premier. toute la fierté éprouvée pour rafe, il l'a rejetée sur zach, le fils restant. celui qui continuait les études, celui toujours promis à un avenir de grand chirurgien. oui, sauf que. sauf que plus l'enquête avançait et plus les preuves accablaient raphaël. et plus la ville se jetaient des regards en biais dès qu'un burrows se promenait. zach, il les a sentis, ces regards accusateurs, sur lui. lui, pourtant, il était innocent. lui, le seul mal qu'il ait fait, c'est d'être le frère d'un paria. il sait que sybil a voulu se battre. lui, il restait encore neutre. mais les regards, toujours plus noirs et les remarques, toujours plus obligeantes, ont fini par le faire chavirer. il n'en pouvait plus. n'en voulait plus. la haine, elle n'aurait pas dut être tournée contre lui. la haine, il en était victime sans avoir rien fait. il s'est accroché, zachary. mais quand les hôpitaux lui ont fermé leurs portes pour son internat, ça a été trop. rejeté pour son nom de famille. rejeté pour avoir grandit avec le psychopathe d'oro valley. alors, zach, il a lâché. subitement. et tant pis pour l'avenir. vi. seule amy est restée. la fraîcheur, le sourire, l'ange. elle le serrait dans ses bras alors qu'il déplorait les études abandonnées, lui souriait quand il s'excusait de ne pas avoir su persévérer. elle est compréhensive, amy, elle ne lui en jamais voulu, même si elle aurait pu. elle l'a soutenue, protégé. elle reste. elle dit que ce n'est qu'une passe, que ça finira par passer. elle rappelle que toutes les villes, grosses ou petites, finissent par s'intéresser à autre chose. que bientôt, les burrows ne seront plus les bêtes noires d'oro valley. et il la croit, la jolie amy. mais il chavire. les notes à payer s'entassent, les refus d'emplois s'amoncellent. zach, il ne sait plus quoi faire. zach, il se perd. alors zach, parfois, il reste des journées entières à broyer du noir. il abandonne amy, il en a conscience. il voudrait que ce soit autrement, il voudrait trouver une solution, mais il n'a rien. alors il s'enfonce, petit à petit. amy, c'est sa bouée, la seule qui lui garde la tête hors de l'eau. mais le boulet à sa cheville pèse de plus en plus et bientôt, zachary le sait, amy ne sera plus suffisante. vii. il n'a plus vraiment de contact avec ses parents. papa est déçu. perdre un fils passe, mais se faire trahir par le second n'est plus acceptable, à ses yeux. alors papa ne cherche pas à contacter zach et zach, il l'accepte. ce n'est pas vraiment surprenant, au fond. maman, elle, fait un peu plus d'effort. maman, elle appelle de temps en temps. souvent, zach laisse amy répondre, ou bien le répondeur faire ce pourquoi il a été inventé. parfois, il la rappelle. entendre sa voix, ça fait du bien. mais devoir lui avouer que non, il n'a pas encore trouvé, que non, il ne sait pas trop quand il réussira à avoir quelque chose, que oui, ça va avec amy, ça le ronge. il pourrait lui demander une aide financière. mais il n'ose pas. maman, elle n'est pas là pour ça. la connerie, c'est la sienne, c'est donc à lui de s'en tirer. et puis, il sait que papa n'approuverait pas. que papa lui jetterai un regard noir et ça, zach préfère autant l'éviter. il n'a pas beaucoup plus de nouvelles de sybil. l'aînée. la seule qui soit honnête, à l'image du couple mythique des burrows. elle a défendu rafe, zach s'est senti délaissé. alors zach, il ne va pas plus loin. zach, il reste dans son coin. viii. gros fumeur, zach est passé de quelques clopes au cours d'une journée à beaucoup trop en une matinée. il sait que c'est mauvais. il est probablement le mieux placé pour connaître les effets néfastes de ces trucs sur ses poumons, et le reste de son corps. mais s'il en est pas accro, ça le détend. ça lui occupe les mains, l'esprit. quand il fume, il s'octroie deux minutes sans se mettre la pression. sans se rappeler que s'il ne trouve pas un boulot rapidement, le prochain loyer, ils ne seront peut-être pas en mesure de le verser. ix. il a une rage enfouie, zachary. il l'a toujours eue, mais il a toujours su la garder à l'intérieur. dissimulée, tue. oubliée, même, pendant un temps. mais depuis toute cette histoire, elle ressort. de plus en plus souvent. parfois, il s'énerve un peu pour rien. parfois, il élève la voix contre un objet, parfois, il le jette contre le mur le plus proche. parfois, il s'effraie lui-même. il perd le contrôle de sa colère sourde, et il a peur de déraper. peur de s'en prendre à ceux qui sont innocents. peur de s'en prendre à amy. mais la rage, elle est là. elle gronde.