tes tics, tes manies.

(1) obey pendant longtemps t'as cherché l'approbation paternelle, le graal jamais découvert, le fantasme jamais réalisé. t'as serré les dents en disant pardon, t'as redoublé d'efforts pour te plier à ses exigences impossible à contenter, espérant la réalisation de ses promesses chimériques de récompense et d'amour en cas de succès. t'as courbé l'échine, tu t'es arqué sous sa volonté, tu t'es laissé discipliner sans moufter. dans la droite lignée de ta sœur aînée, exemple d'obéissance et de sacrifice, toujours prête à se dresser entre vous et le fouet. t'avais pas le droit de décevoir, au moins pour elle. pour éviter qu'elle soit contusionnée à cause de toi. (2) daddy issues la rupture définitive s'est opérée l'année de tes quinze ans, quand le père de peter est venu t'accuser d'être un sale pédé qui avait touché à son p'tit fiston adoré. tu crois que ton cœur a jamais cogné si fort, l'espoir au creux du bide t'empêchant d'esquisser le moindre geste de défense. que peut-être, papa l'accepterait comme lara l'avait fait. elle qui t'avait compris, elle qui t'avait encouragé à t'assumer. mais même elle n'a pas pu te sauver de la fureur paternelle. t'as pris la plus grosse branlée de ta vie, à l'exception de la dernière en date. pourtant cette fois t'as pas dit pardon, tu t'es pas écrasé. t'as pas dit désolé, j'le ferai plus jamais. quand tes iris changeants se sont heurtés à la déception, l'incompréhension, l’écœurement, t'as enfin compris que papa, c'est juste un gros enfoiré insatisfait qui tabasse ses gosses pour prendre son pied. t'aurais encore préféré un regard marmoréen à ce cocktail d'émotions répulsives, à cette blessante aversion qui a contracté les muscles de son corps. alors t'as hurlé, t'as gueulé "j'te suce la bite, enculé". c'est vrai, t'aurais pu trouver moins gerbant. (3) boy's band. tu t'es tiré à dix-sept ans, dès que l'occasion s'est présentée de fuir l'enfer du domicile, cette guerre déclarée entre père et fils. acharné à lui donner des bonnes raisons de te frapper, lui démontrer par a+b que tu méritais chaque coup, chaque châtiment. t'es allé briller sous les projecteurs loin de la terreur et de l'angoisse. pendant cinq ans, ça a été comme à la télé. les concerts, les groupies, les tournées, les interviews, les t-shirts à ton effigie, la came dans tes narines, les soirées déchiré, les rumeurs, les scandales. puis tout s'est étiolé, le groupe a éclaté. (4) jobs t'as eu que des p'tits boulots aux contrats précaires, souvent viré après quelques semaines d'essais. "ne supporte pas l'autorité." "plaintes des clients." "mal habitué." "adapte les horaires à sa convenance." c'est juste que torcher le cul des vieux, encaisser des remarques d'ados débiles sur ton chapeau moche du fast-food et te faire engueuler par une tepue refaite parce que son verre de vin n'est pas à une température convenable pour un blanc de ce cru, ça te fait pas particulièrement kiffer et t'as toujours eu du mal à simuler. être un éclopé t'aides au moins à avoir un boulot pépère derrière un comptoir sans qu'on puisse te jarter pour remplir les quotas imposés. et la cerise sur le gâteau, c'est que les clients éprouvent tous cette pitié détestable qu'inspirent les amochés et que désormais, toute remarque désagréable est immédiatement interprétée comme résultant du traumatisme. si t'avais su, t'aurais loué un fauteuil roulant plus tôt. (5) the incident tu t'es fait défoncer la gueule par un groupe de quatre mecs. ils se sont acharnés ces enfoirés, ils t'ont refait le portrait, t'ont insulté, humilié. t'as jamais dit à personne qu'ils t'ont traité de pédé pendant que leurs pieds s’enfonçaient dans ton corps recroquevillé, que leur langue acérée insultait ta sexualité pendant que leurs phalanges heurtaient ta peau meurtrie. t'as dit "j'me souviens pas", alors que tu les vois dans l'obscurité, quand tes paupières sont trop lourdes pour résister. red avait un t-shirt rouge et une fossette au menton. il t'a craché dessus. blue avait un regard bleu glacial et une bague à l'annulaire qui a fracassé ton nez. il s'est marré en entendant l'os se briser. black était typé afro-américain, le crâne rasé. il a gueulé quand t'as arraché un bout de sa peau avec tes dents. green avait une ceinture verte et des lunettes de soleil malgré la pénombre. il a parlé avec un accent anglais. certains ont dit que c'était bien fait, que tu l'avais sûrement cherché. toi t'as juste haussé les épaules et tu t'es dit "c'est peut-être vrai." (6) hospital blabla (7) redemption il t'avait prévenu papa, que ça arriverait. que tous tes mauvais choix, t'allais les payer. que t'allais morfler, que t'allais en chier. que lui ce qu'il faisait, c'était juste vous préparer et essayer de vous sauver. et quand tu t'es vu crever, ça s'est imposé comme une évidence : ton père avait raison, et t'allais griller en enfer pour l'éternité. cette simple pensée s'est transformée en certitude, s'est accrochée à ton esprit pour muer en obsession. alors comme le lâche que t'es, t'as décidé de piétiné ta fierté. de la balancer dans un coin bien dégueulasse, à la merci des rats affamés. t'es retourné chez maman et papa, et tu lui as demandé pardon. t'as juré que tu ferais mieux, que tu serais enfin le fils parfait qu'il avait toujours espéré. mais putain, t'avais pas imaginé que ce serait si compliqué d'être conciliant, généreux, attentionné, désintéressé, exemplaire, pas vulgaire, dévoué, bigot, hétéro. alors tu trébuches, tu tâtonnes, t'échoues. mais t'essaies et c'est déjà pas mal. il paraît que dieu est grand et qu'il pardonne facilement. (8) walk blabla (9) (10) (11) (12) (13) (14) (15).