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 Du vague à l'âme (P.V Morgane)

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Elias Sloane
Elias Sloane
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MessageSujet: Du vague à l'âme (P.V Morgane)   Du vague à l'âme (P.V Morgane) Icon_minitimeLun 11 Sep - 15:46



So far, so high Morgane & Elias On nous dit souvent que prendre ce n'est pas bien. Prendre, c'est comme arracher, déchirer, laisser pour mort quelque chose qui avait la chance d'être là à côté de vous. Et comme le dernier des abrutis, vous resserrez la prise jusqu'à ce que tout s'évapore en poussières et vapeurs rouge croute. Mais prendre c'est quoi, si ce n'est affirmer que l'on est là, nous humains pétris de bonnes intentions; pour nous-mêmes. Dans ce pays qui est le notre, certains s'en remettent pas aux dieux du soin de la justice. Ils prient se flagellent, hurlent leur douleur pour que leur âme trouve la paix. Malheureusement, les dieux ne sont que des artistes. Une belle lueur sur un incendie, un beau gazon sur un champ de bataille, voilà pour eux la justice. Alors je continue de prendre. Sans arracher le coeur. Non, j'arrache un moment. Je le fige.

Intemporel.
Magnifique.
Sans cesse croissant.

D'habitude, je serai assis sur ce comptoir, avec les camarades. À bavasser sur les derniers injecteurs, à entendre une blague graveleuse de Gary sur sa femme aux gros seins. Ou bien à boire de tout mon soul de la bière noire tout en jetant une flèche sur la cible. Je serai en train de rire. Faussement. Pour une histoire d'apparence. Sauf. Avec elle. Madame Chamberlain. Les gars l'appellent "M'am". Je préfère Madame. Il y a quelque chose chez elle d'étonnement captivant mais aussi ... impressionnant. Tout en finesse, mais diablement puissant. Ça, c'était avant. On a parlé à un moment. Longtemps. Gary venait de partir en cachant son short tâché de sang et moi je restais là. Pour une dernière. J'avais envie de connaître, sans avoir peur de voir Niamh débarquer. On a parlé de la fois où je me suis fait virer du Austin's, sans que je lui donne les détails du pourquoi.
D'habitude, je serai en train de décrocher avec elle quelques mots. Faire des références à Hamlet ou bien Camus tandis que vrombit les enceintes de la télé repassant le dernier match de football.

Pas aujourd'hui.
Je voulais prendre.
Figer les instants.
Les rendre plus humains.
Moins cons.

Posté à mon endroit habituel, j'observe depuis ma moto les gens passer sur le parking sans vraiment me remarquer. Moi. Et mon appareil. Ils s'enlacent, agissent naturellement dans ces scènes qui manquent de plus en plus dans les expositions : un sens du vrai. Pas du faussé. Je hais le faussé. On ne sens pas les gens respirer avec la bouche. Ils ne se contrôlent que par le nez. Pour éviter de se faire griller. Il y a cette fille aux cheveux courts qui soudain longe le mur du bar, après une sortie fracassante. Elle glisse, glisse jusqu'à arriver le cul par terre. Jambes en ciseaux. Puis cuisses resserrées et mollets vers l'extérieur. Je l'ai déjà vu traîner. Une russe je crois vu son accent. J'ai jamais su ce qu'elle fout à Oro Valley. Mais vu ses fringues, c'est sans appel une pute. Elle repart bredouille ce soir. Moi, non. Je la prend dans son profil la tête qui tangue, avec sa drôle de façon de s'asseoir. Vient le moment où Morgane sort, Madame Chamberlain. Je souris, je la prends aussi en photo au moment où dans sa tenue de travail, elle, serveuse, pose sa main sur l'épaule de la pute russe. C'est beau. J'en ai le souffle coupé.

Morgane se redresse, comprend qu'il y a quelqu'un en plus. Un quelqu'un qui tient un appareil que bien sûr, je range bien vite pour me redresser de ma bécane. Une main dans la poche, l'autre pour la saluer avec un petit sourire timide, je m'avance pour sortir de la pénombre de mon point de clichés. Malheureusement, au vu de l'air de Morgane l'enflammée, je comprends bien qu'elle ne vient pas me taper la bise. Plutôt une claque. Que je sens atrocement bien. Mon visage vole sur le côté droit et je sens que je me mords l'intérieur de la joue.

"Mais merde ... !"
Je peste. Bah. J'ai mal. Vous vous attendiez à quoi. Je me tiens la mâchoire, je masse comme je peux la zone frappée. Putain, elle m'a pas loupée. Vu son air en même temps, en y regardant bien ... merde. Gary et Steve sortent du bar en voyant la scène, affolés et prêts à en découdre avec d'autres habitués. Puis ils voient de loin que c'est moi et se foutent de ma gueule. Demain, je serai fliqué. Bon. Passons. Je passe encore mes doigts sous la mâchoire et je rencontre enfin le visage aux allures d'explosion nucléaire de la Dame de mon respect. Je souris, et bien vite je grimace encore en me passant le pouce sur la joue.
"Ça ne se fait pas dans l'autre sens habituellement ... ? D'abord le baiser, ensuite la gifle ?"
Jules Renart. Revisité. Par un mécano un peu trop con. Con qui tient tête à une serveuse venue sauver la vie privée d'une pute. L'humanité, toujours aussi surprenante.

© Justayne
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Morgane Chamberlain
Morgane Chamberlain
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MessageSujet: Re: Du vague à l'âme (P.V Morgane)   Du vague à l'âme (P.V Morgane) Icon_minitimeMar 12 Sep - 14:49


DU VAGUE A L'ÂME.
BE THE REASON SOMEONE BELIEVES IN THE GOODNESS OF PEOPLE.
La condition humaine, un sujet sur lequel on pourrait débattre pour le reste de nos jours sûrement. Il y a tant de choses à dire, à comprendre, à découvrir. Si de nature la rousse avait toujours été du genre sociable, depuis qu'elle avait pris son poste au Austins, elle devait bien l'admettre qu'elle aurait préféré par moments ne pas l'être car on voyait passer de tout ici, ou presque. Un bel échantillon de cette même condition humaine. Les gens "normaux", qui venaient prendre un verre après le travail, pour sé détendre après une rude journée, ceux qui étaient en général imperméable aux autres, l’œillère bien trop vissée pour les voir. Ceux qui noyaient leurs peines dans de la bière sans aucun goût jusqu'à plus soif ou s'ils en avaient encore les moyens, dans de l'alcool bon à démonter la tête après trois verres. Ceux qui s'étaient perdus en chemin ou que la vie malmenait. Il y avait de tout oui, et elle était souvent aux premières loges de ce spectacle quand elle passait derrière le bar pour quelques heures. Un job qu'elle se devait de garder pour garder un toit sur sa tête et celui de sa fille. Mais dans le fond, elle l'aimait bien, parce que malgré tout, il y avait quelque chose qui lui donnait envie de revenir, outre parce que son porte-feuille l'exigeait. Les gens. La sensibilité qu'elle avait en elle la rendait plus réceptive à toutes ces âmes franchissant le seuil, régulièrement ou pour une unique fois. Chacune ayant son histoire, tout comme elle.

La sienne l'avait endurcie ces dernières années même si la douceur restait encore présent sur les traits de son visage. Mais elle restait hantée par le choix qu'elle avait fait des années en arrière. Un secret qu'elle portait sur ses frêles épaules et qui pesait de plus en plus lourd à présent que la petite était parfaitement en âge de comprendre qu'il s'était passé quelque chose et que sa mère ne lui disait pas tout. Alors pendant quelques heures au moins, ici, pas d'explication à donner pour elle non plus. Ce qui expliquait peut-être pourquoi elle prenait ce boulot bien plus à coeur qu'elle n'aurait pu le faire en d'autres circonstances. La soirée était bien entamée, les verres circulaient dans l'établissement et elle l'avait repéré bien vite cette fille. Les signes ne trompaient pas. Une fille perdue, qui n'avait trouvé d'autre moyen que de vendre son corps pour tenter de survivre. Un être humain comme n'importe quel autre. Elle l'avait suivit dehors pour tenter de lui parler, de l'aider même si ça serait sans doute en vain, vu sa situation. Mais à force d'avoir eu à regarder par-dessus son épaule pendant si longtemps, Morgane sentait une autre paire d'yeux dans les parages.

Elle savait à qui elle appartenait et fut quelque peu furieuse de le voir prendre une photo de cette fille dans ce qui était sans doute l'un de ses moments de fragilité les plus évidents. Ça n'était pas la première fois qu'elle le prenait la main dans le sac, elle avait auparavant déjà pu le voir avec son appareil en main dans le bar, mais sachant aussi ne pas mettre son nez où il ne fallait pas, elle n'avait rien dit. Mais là, elle se devait d'intervenir et d'en savoir plus sur ce à quoi tout cela rimait pour lui. Elle y était peut-être aller un peu trop fort avec sa gifle mais trop tard pour revenir là-dessus. « Habituellement oui mais tu ne le mérite même pas. Elle vend peut-être son corps pour des raisons qui lui sont propres mais ça ne te donne pas le droit de la prendre en photo alors qu'elle est comme ça. » Les rôles seraient inversés, lui aussi aimerait sûrement qu'on se garde d'immortaliser son portrait alors qu'il pensait avoir touché le fond. « Tu vas m'expliquer ce que tu fais avec ce que tu caches là. Ça n'est pas la première fois que je te surprends en plus, alors tu as tout intérêt à parler à moi plutôt qu'aux flics. » Menaçante ? Non, pas réellement, elle savait se défendre mais elle savait que ça n'en arriverait pas aux mains. Elle voulait simplement savoir quelle était son histoire à lui, car on ne prenait pas ce genre de photos juste parce qu'on est au bon endroit au bon moment. Non, il y avait autre chose et elle était curieuse de savoir quoi, car une chose est certaine, Elias était une énigme pour elle, comme elle devait l'être pour lui. Ou pas remarquez. Son histoire expliquait bien où elle en était à présent, si tant est que quelqu'un veuille l'entendre un jour.

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Elias Sloane
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MessageSujet: Re: Du vague à l'âme (P.V Morgane)   Du vague à l'âme (P.V Morgane) Icon_minitimeMer 13 Sep - 12:07



So far, so high Morgane & Elias Elle prend à coeur, comme la femme passionnée prend d'un baiser fiévreux la bouche de son amant; sans compter. Dans le feu de l'action. Puissante. Si je n'étais qu'un homme romantique, je serai déjà entiché. Malheureusement, notre amour est étouffé dans l'oeuf par ce fâcheux événement. Non, je déconne. Je passe mon pouce une dernière fois sur ma joue douloureuse et mes lèvres avant de secouer ma main et me tenir à hauteur raisonnable de son visage, non sans écouter avec un certain détachement son discours sur ce qui est éthique ou non. Tiens parlons en. Est-ce que c'est éthique de laisser le choix à des gens influencés par des campagnes de pub contre le harcèlement de leur genre ? Ou bien que l'identité est régie par la télé, et non une perception de la réalité, de notre corps ? Est-on seulement garant de ce que nous construisons ? Ne sommes-nous pas les cobayes entre les mains de plus grands ? Des rats de laboratoire.
"Et dire que je pensais que notre relation devenait stable."
Je touche ma poitrine en m'inclinant un peu en avant. Sans doute que je vais l'agacer. En même temps, quand quelqu'un prend pleinement conscience de ses fautes et les assume jusqu'au bout, le témoin reste rarement passif et pacifique. Mes yeux se jettent de nouveau vers la pute russe qui a l'air d'avoir décidé de dormir ici ce soir. Là, ce n'est plus vraiment beau cette scène. C'est pathétique. Et j'en soupire en fourrant les mains dans les poches de mon blouson, comme pour refermer une page invisible sur ces réflexions.
"Madame Chamberlain ... L'homme est déjà si puissant que l'on se demande pourquoi il aspire à l'être davantage. tant d'insatiabilité trahit une misère sans recours, une déchéance magistrale. Il se complait dans des artifices, se bonifie et cache des perceptions que seul autrui peut lui trouver. Et ..."
Je hausse les épaules en levant le menton pour désigner la fille.
"C'est ce que j'ai fait."
On est tous les deux complices, en soi; complices dans la curiosité de l'être, de ses formes et difformités. On veut voir ce que l'autre donne et comment nous, extérieurs à leurs pensées on peut les sublimer. Je lui avais déjà fait un succinct topo quand j'étais à moitié bourré. Mais cet univers, je le garde pour moi, ou quelques privilégiés.

Des brisés.
Par l'humain.
L'amour.
Rongés.
Comme moi.



Mes pieds pivotent, mes mains s'emparent de ma sacoche d'où je sors mon EOS. Je l'allume avec une habileté que l'on ne me connaît qu'en présence d'un moteur à moitié foutu, raclé sévèrement par un dos d'âne. L'écran s'illumine et j'entre d'un bouton dans ma galerie.
Aujourd'hui; 20h00 : Dans une rue, une femme en tailleur noir tient par la main sa petite fille habillée de rose, tenant le parapluie. On voit juste leur dos, et les reflets de lumières sur le goudron encore mouillé.
Aujourd'hui; 20h43 : Un homme sortant du Austin's, tête baissée, couvert de son énorme veston et cheveux poivre et sel passe sur le passage piéton. Dans ce noir et blanc, on peut voir toute la gravité de son expression. Il est seul.
Aujourd'hui; 22h10 : Il y a un couple qui court vers le nord d'Oro. Le garçon pointe le ciel avec cette vue en contrebas, alors qu'il montre sans doute le chemin vers son appartement miteux. Pourtant, le ciel est beau sous ses aspects noirs et légèrement bleutés, sous les lampadaires. Un peu comme un espoir. Qui sera bien vite étouffé. J'étais un genou par terre, près du trottoir, sur la route même. J'ai d'ailleurs le jean dans un sale état.
Aujourd'hui; 23h04 : La pute. De profil, le regard dans le vague vers un horizon inconnu. Cuisses resserrées, mais mollets étendus de chaque côté. Il y a une main posée sur son épaule. Douce. Blanche. En remontant, on voit des cheveux roux voler, un visage empli de compassion en train de décrocher en ce cliché un mot réconfortant, sans doute. Et sous la lumière des lampadaires, cela donne à la scène un air dramatique, mais tellement réel.

J'éteins.
Je range.
Je reprends.


"Vous êtes très belles. Dramatiques, des images de femmes contemporaines que l'on oublie trop souvent. Se noyant dans leur fatalité."
Et je me redresse, fier, un peu trop, sans doute. Comme un gosse qui se mord la lèvre inférieure en souriant.
"Tu sais très bien que les flics n'ont pas ta sensibilité, Madame Chamberlain."
Puis, au moment où l'on s'y attend le moins, un mec se pointe. Il vient lorgner la pute en train de dormir. Il passe une fois. Une deuxième fois pendant qu'on se parle avec la mam'.
Morgane ne le voit qu'au troisième passage, quand la pute se met à bouger et geindre pour essayer de le rejoindre à son claquement de doigts. J'attrape le bras de Morgane pour la retenir. Fermement. Je la sens essayer de tirer. Mais cette fois, je ne me laisse pas faire. J'observe la pute tituber, manquer de se vautrer, mais toujours suivre comme une chienne docile ce que je suppose être son maître. Oui, c'est vraiment pathétique. Et la serveuse veut quand même la "sauver". Moi, je l'en empêche. Je la tire vers moi, je la prends aux épaules et je l'oblige à me regarder droit dans les yeux.

"Madame Chamberlain. Tu sais que les gens ne changent pas du jour au lendemain. On est pas tous au stade de donner des gifles comme toi."
Mon sourire en demi teinte doit l'agacer. Comme agacerait le poète les gens effrayés. Mon constat est triste, mais c'est comme ça. Si les gens veulent s'embourber, on ne peut pas aller contre leur volonté. Je me souviens de son chuchotement concernant ses regrets,
sur l'amour, le devoir. Entre deux verres essuyés. Sur sa fille un autre jour. Mais aussi mes paroles, dites avec trois bières dans le sang et un collègue qui parlait de son fils geignard et qui en foutait pas une.
"Tant que l'on peut aimer et se faire aimer en retour par un être, de la même façon, il vaut mieux le chérir. Sinon, tu rates un peu de ta vie."
Elle, cette pute, elle n'est juste pas prête. Sans doute. À vivre.


© Justayne
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