Comme un vent de liberté. Ou un air un peu trop frais. Un mélange étouffant des deux. T'es bien dehors, t'es plus derrière des barreaux dans une combinaison qui te stigmatise, mais t'es pas totalement libre. Bracelet électronique à la cheville qui t'empêche d'aller plus loin que les délimitations de la ville. Puis tout le reste. Le silence pensant, les sommeils courts et d'un seul oeil, la méfiance qui te bouffe les tripes dès que tu mets le pieds dehors. T'as peur d'être reconnu, t'as peur de croiser ta famille, tes anciens amis et tous ceux qui t'ont un jour aimé, avant que tu bascules dans les ténèbres. T'as comme cette horrible sensation que même entièrement libre, tu ne le seras jamais vraiment, toujours rattrapé par un passé dissonant et de lourds regrets. Tu sors pas beaucoup. T'es plus souvent enfermé dans l'appartement à regarder la télévision, faire la cuisine, ou dessiner, que dehors dans le véritable monde. T'es pas encore prêt à l'accepter, ce monde, celui qui ne sera plus jamais le même pour toi. Un pas après l'autre, une sortie après l'autre, un pardon après l'autre. T'as rien de mieux à faire, à vivre. Les yeux fermés, tu souffles un instant. T'as des images qui reviennent, de quand t'étais gamins. Tu venais souvent ici, pour regarder les gens monter à cheval, pour te balader dans les écuries, pour te poser avec tes amis dans l'herbe verte. T'es jamais monté toi, ça t'intéressait pas, mais t'as quand même toujours gardé un bon souvenir des haras et du propriétaire. C'est en revenant flâné, loin de la civilisation, qu'il t'a proposé un petit job. Rien de durable, juste pour dépanner. T'es loin d'être dans une situation où tu peux faire la fine bouche. T'as de l'expérience dans pas mal de domaine, mais une case prison dans le cv et un bracelet à la cheville, ça grille quasiment toutes tes chances. T'as du mal à la vivre, ta liberté nouvelle, t'as presque peur qu'elle s'échappe et s'envole, avant que tu ne puis la savourer véritablement. Des bruits de sabots te ramènent à la réalité. Les yeux à nouveaux ouverts, balai en mains, tu poses ton regard sur une jeune femme blonde, ramenant un cheval à l'écurie. "Bonjour." Tu souffles avec politesse, d'une voix douce et basse. Tu détournes alors le regard, retournant à tes occupations. Passer le balai, ranger ce qui traîne, remettre du foin. T'as jamais été aussi proche de la nature, ça change des boulots que t'as pu faire. Tu fais le tour des haras, traînant un peu de la patte pour passer plus de temps ici et moins rapidement rentrer dans ton hébergement temporaire. T'as tout à reconstruire, et tu sais pas comment. Retour aux écuries, toujours aussi lentement, le temps qui passe. Tu t'arrêtes en voyant une silhouette, la même femme qu'avant, qui sursaute en t'entendant. "Désolé, je ne pensais pas que vous étiez encore là." Tu dis alors, la mine désolée, tout en déposant le balai à l'entrée, dans un petit cagibi de bois.